De l'interêt des jeux

Publié le par Christophe de la ludo

Jouer oui mais pourquoi ?

Mais qu'est-ce qu'un jeu au juste ? Qu’il soit de société, sportif, d’extérieur, théâtral ou bien musical, à quel concept le fait même de jouer fait-il référence, à quelle idée, quelles sont ses références philosophiques, ses valeurs ?

Et si des jeux dits « pédagogiques » ou « éducatifs » existent, n’est-ce pas dans le but d’apprendre quelque chose aux plus jeunes (pédagogie du jeu) ou même à des adultes ? Mais dans ce cas, avons-nous encore affaire à un jeu ?


De l’intérêt de jouer
Dans un document récent présentant le jeu en lien avec l’éducation nouvelle, un groupe de recherche des CEMEA (Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active) présente la psychanalyse et la psychologie comme des références théoriques exposant l’importance du jeu :
« (…) Freud et l’enfant à la bobine, avec la première mise en évidence et la première théorisation de la fonction symbolique du jeu, (…) façon de jouer le réel en imaginant agir dessus et façon de l’accepter, puis Mélanie Klein et les analogies entre le jeu enfantin et le rêve, puis Lacan et sa réflexion sur l’enfant au miroir qui joue avec sa propre image, accédant ainsi à la découverte de son corps et de son existence propre, Piaget a également contribué à cette construction théorique en montrant l’importance du jeu symbolique, (…) et Winnicott » (CEMEA 2007).

Prenons l’exemple d’un adolescent jouant à World Of Warcaft, jeu de plateau ou jeu vidéo : celui-ci va être appelé à affronter des monstres dans l’univers du jeu. Dans la réalité, les monstres n’existent pas, mais ils sont la représentation symbolique de nos peurs. Durant la partie, le joueur va mobiliser des compétences spécifiques pour vaincre ces monstres (stratégie, coordination des équipes, négociation avec les autres joueurs, interactivité, etc.).
Dans cet exemple, cet adolescent va certes jouer une situation irréelle (combattre un monstre) mais en résonance avec la réalité (ses peurs les plus profondes).


Le jeu est aussi vecteur d’expérimentation du réel dans un cadre protégé. On joue à faire comme si, mais on sait parfaitement qu’au moment où le sentiment d’insécurité se fera trop sentir, on aura la possibilité de dire « pouces ! » et de souffler un peu. C'est le cas pour les jeux de simulation (le papa la maman ...) et tous les jeux qui nous impliquent phisiquement (les chats, chasse à l'homme dans les cours de récré)

L’enfant, dans son développement, utilise le jeu pour comprendre son environnement, des situations qui le dépassent, et surtout pour se distancier des pressions quotidiennes. Puis, tout au long de sa vie, l’être humain qui deviendra adulte aura la possibilité de jouer pour expérimenter dans ce cadre ludique protégé. Pour un adulte, le temps du jeu est comme un retour à l’enfance : « (…) ce temps qui ne sait encore rien ou ne veut rien savoir des contraintes imposées par la vie et des violences des rapports inter humains » (Chirpaz François, « Le jeu, figure de la liberté », tiré de contrepoint le 9 avril 2006).

Quand on joue, on est comme quelqu’un qui entre sur scène, dans un autre monde. On y reproduit des situations qui existent dans la vie de tous les jours, mais pour de faux. Dans ce combat symbolique, nul besoin d’affronter un ennemi, mais plutôt un partenaire. Car affronter un ennemi conduit à la guerre alors qu’affronter un partenaire conduit à quelque chose de plus créatif, un partage de plaisir. La mort n’est pourtant pas exclue de cet affrontement, mais toujours de manière symbolique, comme aux échecs quand le roi est mis échec et mat est couché pour symboliser sa défaite… jusqu’à la prochaine partie où les pièces du jeu seront remises en place.


Le joueur crée une sorte d’espace magique où le cours du temps est réversible à l’instar de celui de la vie. Dans la vraie vie, on est affecté par le temps qui passe et qui ne cesse de nous rapprocher chaque jour un peu plus de la fin. Dans le jeu, il est possible de tout recommencer. Je perds à un jeu parfois, mais j’ai la possibilité de tout remettre en place pour refaire une partie dont l’issue sera toute autre. Ce qui n’a pas été possible aujourd’hui (gagner la partie), le sera peut-être demain. Dans la vraie vie, l’irréversibilité du temps représente le danger de nous enfermer dans nos échecs successifs. Les enjeux, la pression, ou les conséquences de nos actes nous marquent à chaque échec. Dans le jeu, nous pouvons tout recommencer sans subir le poids d’un échec, mais en pouvant aussi prendre en considération les tenants de notre défaite pour nous améliorer.

Mais pour que le jeu garde sa magie, il faut qu’il soit défini par une règle que tous partagent et respectent. Dès qu’elle n’est plus, le cercle magique se disloque.

Pédagogie du jeu et jeu pédagogique

On l’a vu, le jeu permet une expérimentation, un apprentissage. Dans le milieu scolaire et parfois dans le milieu éducatif, il est utilisé en pédagogie. Mais la frontière devient mince entre une activité ludique libre et une activité dirigée hors jeu dès lors que le jeu est utilisé comme prétexte et non plus simplement pour ce qu’il est.

Dans son blog, Nicole de Grandmont, orthopédagogue canadienne, décrit l’utilisation du jeu comme une pédagogie de l’indirect. Ici, l’adulte se place comme observateur et intervient avec parcimonie dans l’activité. De ses observations, il va pouvoir affiner son travail et orienter la prochaine mise en place de l’activité afin d’apporter un maximum au public (apprentissages sociaux, mise en pratique d’apprentissages scolaires, etc.).
« L’un des plus importants avantages du jeu c’est qu’il permet de vérifier certains apprentissages via certains jeux comme le scrabble(…) (cf blog de N. De Grandmont)

Selon elle, le jeu possède trois niveaux : ludique, éducatif et pédagogique. Car « (…) Le joueur évolue ! Le pédagogue qui comprend cela, va donc utiliser le jeu différemment et s’assurera que le jeu (…) répond bien aux attentes de ses objectifs pédagogiques. » (N. de Grandmont).
Le niveau ludique est le fait même pour un jeu d’exister : on joue en premier… pour jouer. On joue à son rythme, on joue pour soi et/ou en direction des autres ou pas. On peut apprendre des choses ou non, mais ce n’est pas le but premier. Nous sommes dans l’activité libre et gratuite définie par J. Huizinga et R. Caillois.

Deuxième niveau du jeu, le « niveau éducatif » : Nicole de Grandmont le définit aussi par le « jeu social ». Ici, on joue pour être en relation avec l’autre ; échanger, coopérer, se confronter, … « Le jeu possède cette qualité pédagogique importante et non négligeable d’aider à socialiser d’une part et d’autre part, faire comprendre à chacun ses droits et aussi ses devoirs sans jugements de valeur. » (N. de Grandmont).
Le jeu social permet d’apprendre en douceur à gérer sa relation avec l’autre (concessions, attendre son tour), à contrôler son émotivité (joies, colères, moments d’euphorie), à comprendre, accepter et appliquer les règles même si elles ne nous favorisent pas toujours, à apprendre à gérer l’échec, …

Troisième niveau, « le niveau pédagogique » : c’est celui qui permet au pédagogue d’observer puis d’intervenir en fonction dans un but de régulation, mais aussi d’apprentissage.
Cela permet de voir ce que le joueur réussit, mais aussi ce qu’il ne réussit pas. Cela permet d’observer la façon dont il mobilise ses compétences, ce qu’il a appris par ailleurs et comment il s’en sert.

Cet article est tiré du site petitpeuple.
Vous pouvez le retrouvez en intégralité : ICI

Bien entendu, ce ne sont que des discussions qui ne font que commencer. Ce sont des sujets qui évolues avec leurs temps et qui sont de l'importance même de l'évolution des personnes.

Publié dans La pédagogie des jeux

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M
Un article tout à fait explicatif merci !
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P
Très instructif cet article.
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C
<br /> Merci beaucoup :)<br /> J'aime beaucoup ton site aussi, c'est tout un art de dire les choses sans les prononcer ... Le poid des images<br /> N'hésite pas de temps en temps<br /> Merci a toi !<br /> <br /> <br />